Mes premières armes de « cuisinier-diététique », je les fis à Paris, en 1968, dans un salon de coiffure chic de l’Avenue Montaigne, dirigé par le célèbre coiffeur inspiré, Antonio, qui poussait le luxe jusqu’à reconduire ses clientes à leur domicile, en Rolls.
Il m’avait, à l’époque, demandé d’établir, dans l’enceinte du salon, un snack raffiné, à tendance diététique, que j’appelai « La Ligne ».
Quelques années plus tard, en 1972, je rencontrai ma future épouse Christine qui me convainquit de quitter Paris et mon petit restaurant « Le Pot au Feu », alors deux fois étoilé au Guide Michelin, pour aller la rejoindre dans les Landes.
Elle avait, au sortir d’HEC, sollicité de son père, fondateur de « La Chaîne Thermale du Soleil », la direction de la petite station thermale d’Eugénie-les-Bains.
Cet établissement thermal, dispensant des cures médicalisées, était déjà spécialisé dans la prise en charge des personnes atteintes de maladies métaboliques, à savoir le surpoids, l’obésité, le diabète et les maladies cardio-vasculaires.
C’est en observant des curistes, venus là pour maigrir, attablés devant de grandes assiettes de carottes, hâtivement râpées, et sommairement assaisonnées, que l’idée m’est venue tout naturellement, en tant que cuisinier, d’essayer de mettre à profit mes connaissances professionnelles au service de cette désespérance alimentaire.
Très rapidement, une cuisine parallèle à celle que j’avais apprise a pris forme, dans mon esprit : une cuisine fondée, à l’époque, sur le seul principe des calories, en réduisant sucres et corps gras, mais où le goût et le plaisir étaient déjà bien présents.
En 1976, j’écrivis avec mon épouse un livre de recettes de Grande Cuisine Minceur®, dont la première partie avait pour mission d’instruire le lecteur, d’une manière pratique, sur les phénomènes physico-chimiques qui régissent le fait culinaire.
Il me valut de rencontrer, la même année, le Président International du Groupe Nestlé, venu à Eugénie-les-Bains, pour me proposer un rôle de conseil culinaire international du groupe, qui couvrait à peu près l’ensemble des productions dont, en particulier, les surgelés, lesquels avaient alors très mauvaise réputation.
Cette collaboration a duré 27 ans, au cours desquels j’eus la chance insigne de côtoyer la recherche Nestlé.
C’est ainsi que j’appris ce qu’il fallait entendre par nutriments, ce qu’étaient un lipide, un glucide simple ou complexe, une protéine lactique, la réaction de Maillard, les techniques de transformations ou de substitutions, qui permettent de traduire industriellement une cuisine traditionnelle, mais j’y appris aussi l’obligation de rigueur en travaillant avec des chercheurs, nutritionnistes, ingénieurs sanitaires, biologistes, sociologues, anthropologues, comportementalistes, et même des plasticiens.
Tous ces échanges vinrent fortifier l’ossature de ma propre réflexion, en même temps qu’ils me permirent, pendant plus de 35 ans, de faire évoluer notre Cuisine de Santé® d’Eugénie.
Ainsi, je ne me tins jamais éloigné d’un iota de mon credo : Même si le goût est, par définition, nomade : « Quel fut le goût d’un repas, un siècle avant Jésus-Christ, et un siècle après ? » Le plaisir, qui se nourrit d’affectif et d’imagination, reste, lui, le même.
Il est donc impératif d’inscrire le goût et le plaisir, au coeur de toute démarche visant à réformer des habitudes alimentaires
afin d’emporter l’adhésion de ceux qui y sont soumis, volontairement ou pas. Transgresser ce manifeste, c’est condamner à l’échec toute forme d’alimentation, a fortiori, celle liée à la santé.
Pour le français qui entretient avec son alimentation des rapports de vieux couple, manger, est l’une des manières les plus accessibles de se faire plaisir, ce plaisir, considéré par lui, quasiment comme un bien social, acquis et irréversible. Il ne veut pas avoir à choisir entre Santé et Plaisir, il veut les deux à la fois.
C’est la raison pour laquelle notre Cuisine de Santé® privilégie les recettes de cuisine traditionnelle, ce que j’appelle « la cuisine nostalgique » et que nos concitoyens adorent : elles ont pour nom béarnaise, mayonnaise, vinaigrette, cassoulet, hachis Parmentier, magret de canard, gâteau soufflé au chocolat, Paris-Brest. Des techniques appropriées permettent de réduire de 5 à 6 fois la charge calorique de ces recettes.
Cette cuisine, nous la servons évidemment tous les jours à Eugénie, mais nous l’avons aussi mise en place, en exclusivité, dans l’offre de restauration de nos établissements thermaux, qui ont servi l’année dernière, plus de 110 000 repas. Les patients, choisissant de conforter leur cure médicalisée par cette cuisine, sont suivis aux plans biologique, clinique et diététique par leur médecin de cure, en relation avec nos diététiciennes. Pour les personnes porteuses d’un risque de maladies cardio-vasculaires, atteintes de diabète ou d’hypertension artérielle, cette cuisine permet d’atteindre des résultats significatifs.
L’ensemble du village d’Eugénie-les-Bains est aujourd’hui mobilisé pour accueillir ce type de patients. Les restaurateurs sont formés à cette Cuisine de Santé®, par la brigade de notre restaurant et l’équipe diététique de notre établissement, afin qu’ils puissent également en faire bénéficier leurs propres hôtes.
Entre 2008 et 2009, notre établissement thermal a réalisé une étude pilote, conduite par l’Université de Bordeaux II, qui visait à mesurer l’amélioration du syndrome métabolique, à un an, prenant en compte soins thermaux, Cuisine de Santé®, éducation alimentaire et activités physiques. Les conclusions de cette étude sont très positives, puisque 75% des patients recrutés voyaient encore, un an plus tard, une régression significative de leur syndrome métabolique.